Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/120

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— Des menaces ! s’écria le geôlier en faisant un pas en arrière et en se mettant sur la défensive : décidément la tête vous tourne ; l’abbé a commencé comme vous, et dans trois jours vous serez fou à lier, comme lui ; heureusement que l’on a des cachots au château d’If.

Dantès prit l’escabeau et le fit tournoyer autour de sa tête.

— C’est bien, c’est bien ! dit le geôlier, eh bien, puisque vous le voulez absolument, on va prévenir le gouverneur.

— À la bonne heure ! dit Dantès en reposant son escabeau sur le sol et en s’asseyant dessus, la tête basse et les yeux hagards, comme s’il devenait réellement insensé.

Le geôlier sortit, et un instant après rentra avec quatre soldats et un caporal.

— Par ordre du gouverneur, dit-il, descendez le prisonnier un étage au-dessous de celui-ci.

— Au cachot alors, dit le caporal.

— Au cachot : il faut mettre les fous avec les fous.

Les quatre soldats s’emparèrent de Dantès qui tomba dans une espèce d’atonie et les suivit sans résistance.

On lui fit descendre quinze marches, et on ouvrit la porte d’un cachot dans lequel il entra en murmurant :

— Il a raison, il faut mettre les fous avec les fous.

La porte se referma, et Dantès alla devant lui, les mains étendues jusqu’à ce qu’il sentît le mur ; alors il s’assit dans un angle et resta immobile, tandis que ses yeux, s’habituant peu à peu à l’obscurité, commençaient à distinguer les objets.

Le geôlier avait raison, il s’en fallait bien peu que Dantès ne fût fou.