Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

complots vulgaires et sans conséquence, comme il s’en trame tous les jours dans les derniers rangs du peuple et de l’armée, mais une conspiration véritable, une tempête qui ne menace rien moins que le trône de Votre Majesté. Sire, l’usurpateur arme trois vaisseaux ; il médite quelque projet, insensé peut-être, mais peut-être aussi terrible, tout insensé qu’il est. À cette heure, il doit avoir quitté l’île d’Elbe, pour aller où ? je l’ignore, mais à coup sûr pour tenter une descente soit à Naples, soit sur les côtes de Toscane, soit même en France. Votre Majesté n’ignore pas que le souverain de l’île d’Elbe a conservé des relations avec l’Italie et avec la France.

— Oui, Monsieur, je le sais, dit le roi fort ému, et, dernièrement encore, on a eu avis que des réunions bonapartistes avaient lieu rue Saint-Jacques ; mais continuez, je vous prie ; comment avez-vous eu ces détails ?

— Sire, ils résultent d’un interrogatoire que j’ai fait subir à un homme de Marseille que depuis longtemps je surveillais et que j’ai fait arrêter le jour même de mon départ ; cet homme, marin turbulent et d’un bonapartisme qui m’était suspect, a été secrètement à l’île d’Elbe ; il y a vu le grand maréchal qui l’a chargé d’une mission verbale pour un bonapartiste de Paris, dont je n’ai jamais pu lui faire dire le nom ; mais cette mission était de charger ce bonapartiste de préparer les esprits à un retour (remarquez que c’est l’interrogatoire qui parle, sire), à un retour qui ne peut manquer d’être prochain.

— Et où est cet homme ? demanda Louis XVIII.

— En prison, sire.

— Et la chose vous a paru grave ?

— Si grave, sire, que cet événement m’ayant surpris au milieu d’une fête de famille, le jour même de mes