Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/187

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— Êtes-vous bien nourri ? répéta l’inspecteur.

— Monsieur, vous ne risquez rien ainsi, et vous voyez bien que ce n’est pas pour me ménager une chance pour me sauver, puisque je resterai en prison tandis qu’on fera le voyage.

— Vous ne répondez pas à ma question, reprit avec impatience l’inspecteur.

— Ni vous à ma demande ! s’écria l’abbé. Soyez donc maudit comme les autres insensés qui n’ont pas voulu me croire ! Vous ne voulez pas de mon or, je le garderai ; vous me refusez la liberté, Dieu me l’enverra. Allez, je n’ai plus rien à dire.

Et l’abbé, rejetant sa couverture, ramassa son morceau de plâtre, et alla s’asseoir de nouveau au milieu de son cercle, où il continua ses lignes et ses calculs.

— Que fait-il là ? dit l’inspecteur en se retirant.

— Il compte ses trésors, reprit le gouverneur.

Faria répondit à ce sarcasme par un coup d’œil empreint du plus suprême mépris.

Ils sortirent. Le geôlier referma la porte derrière eux.

— Il aura en effet possédé quelques trésors, dit l’inspecteur en remontant l’escalier.

— Ou il aura rêvé qu’il les possédait, répondit le gouverneur, et le lendemain il se sera réveillé fou.

— En effet, dit l’inspecteur avec la naïveté de la corruption ; s’il eût été réellement riche, il ne serait pas en prison.

Ainsi finit l’aventure pour l’abbé Faria. Il demeura prisonnier, et, à la suite de cette visite, sa réputation de fou réjouissant s’augmenta encore.

Caligula ou Néron, ces grands chercheurs de trésors, ces désireurs de l’impossible, eussent prêté l’oreille aux paroles de ce pauvre homme et lui eussent accordé l’air