Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

provisions. Edmond avait déjà dévoré les anciennes ; il dévora les nouvelles, écoutant sans cesse ce bruit qui ne revenait pas, tremblant qu’il eût cessé pour toujours, faisant dix ou douze lieues dans son cachot, ébranlant pendant des heures entières les barreaux de fer de son soupirail, rendant l’élasticité et la vigueur à ses membres par un exercice désappris depuis longtemps, se disposant enfin à reprendre corps à corps sa destinée à venir, comme fait, en étendant ses bras et en frottant son corps d’huile, le lutteur qui va entrer dans l’arène. Puis, dans les intervalles de cette activité fiévreuse, il écoutait si le bruit ne revenait pas, s’impatientant de la prudence de ce prisonnier qui ne devinait point qu’il avait été distrait dans son œuvre de liberté par un autre prisonnier, qui avait au moins aussi grande hâte d’être libre que lui.

Trois jours s’écoulèrent, soixante-douze mortelles heures comptées minute par minute !

Enfin un soir, comme le geôlier venait de faire sa dernière visite, comme pour la centième fois Dantès collait son oreille à la muraille, il lui sembla qu’un ébranlement imperceptible répondait sourdement dans sa tête, mise en rapport avec les pierres silencieuses.

Dantès se recula pour bien rasseoir son cerveau ébranlé, fit quelques tours dans la chambre, et replaça son oreille au même endroit.

Il n’y avait plus de doute, il se faisait quelque chose de l’autre côté ; le prisonnier avait reconnu le danger de sa manœuvre et en avait adopté quelque autre, et, sans doute pour continuer son œuvre avec plus de sécurité, il avait substitué le levier au ciseau.

Enhardi par cette découverte, Edmond résolut de venir en aide à l’infatigable travailleur. Il commença par