Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/209

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viez entendu. Mon Dieu ! après m’avoir ôté la liberté de la vie, mon Dieu ! après m’avoir ôté le calme de la mort, mon Dieu ! qui m’avez rappelé à l’existence, mon Dieu ! ayez pitié de moi, ne me laissez pas mourir dans le désespoir !

— Qui parle de Dieu et de désespoir en même temps, articula une voix qui semblait venir de dessous terre et qui, assourdie par l’opacité, parvenait au jeune homme avec un accent sépulcral.

Edmond sentit se dresser ses cheveux sur sa tête, et il recula sur ses genoux.

— Ah ! murmura-t-il, j’entends parler un homme.

Il y avait quatre ou cinq ans qu’Edmond n’avait entendu parler que son geôlier, et pour le prisonnier le geôlier n’est pas un homme : c’est une porte vivante ajoutée à sa porte de chêne ; c’est un barreau de chair ajouté à ses barreaux de fer.

— Au nom du ciel ! s’écria Dantès, vous qui avez parlé, parlez encore, quoique votre voix m’ait épouvanté ; qui êtes-vous ?

— Qui êtes-vous vous-même ? demanda la voix.

— Un malheureux prisonnier, reprit Dantès qui ne faisait, lui, aucune difficulté de répondre.

— De quel pays ?

— Français.

— Votre nom ?

— Edmond Dantès.

— Votre profession ?

— Marin.

— Depuis combien de temps êtes-vous ici ?

— Depuis le 28 février 1815.

— Votre crime ?

— Je suis innocent.