Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/220

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faibles, j’ai voulu un grand et seul empire, compact et fort : parce que j’ai cru trouver mon César Borgia dans un niais couronné qui a fait semblant de me comprendre pour me mieux trahir. C’était le projet d’Alexandre VI et de Clément VII ; il échouera toujours, puisqu’ils l’ont entrepris inutilement et que Napoléon n’a pu l’achever ; décidément l’Italie est maudite !

Et le vieillard baissa la tête.

Dantès ne comprenait pas comment un homme pouvait risquer sa vie pour de pareils intérêts ; il est vrai que s’il connaissait Napoléon pour l’avoir vu et lui avoir parlé, il ignorait complètement en revanche ce que c’étaient que Clément VII et Alexandre VI.

— N’êtes-vous pas, dit Dantès, commençant à partager l’opinion de son geôlier, qui était l’opinion générale au château d’If, le prêtre que l’on croit… malade ?

— Que l’on croit fou, vous voulez dire, n’est-ce pas ?

— Je n’osais, dit Dantès en souriant.

— Oui, oui, continua Faria avec un rire amer ; oui, c’est moi qui passe pour fou ; c’est moi qui divertis depuis si longtemps les hôtes de cette prison, et qui réjouirais les petits enfants, s’il y avait des enfants dans le séjour de la douleur sans espoir.

Dantès demeura un instant immobile et muet.

— Ainsi, vous renoncez à fuir ? lui dit-il.

— Je vois la fuite impossible ; c’est se révolter contre Dieu que de tenter ce que Dieu ne veut pas qui s’accomplisse.

— Pourquoi vous décourager ? ce serait trop demander aussi à la Providence que de vouloir réussir du premier coup. Ne pouvez-vous pas recommencer dans un autre sens ce que vous avez fait dans celui-ci ?

— Mais savez-vous ce que j’ai fait pour parler ainsi