Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/246

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Quant à l’abbé Faria, Dantès remarquait que, malgré la distraction que sa présence avait apportée à sa captivité, il s’assombrissait tous les jours. Une pensée incessante et éternelle paraissait assiéger son esprit ; il tombait dans de profondes rêveries, soupirait involontairement, se levait tout à coup, croisait les bras, et se promenait sombre autour de sa prison.

Un jour il s’arrêta tout à coup au milieu d’un de ces cercles cent fois répétés qu’il décrivait autour de sa chambre, et s’écria :

— Ah ! s’il n’y avait pas de sentinelle !

— Il n’y aura de sentinelle qu’autant que vous le voudrez bien, dit Dantès qui avait suivi sa pensée à travers la boîte de son cerveau comme à travers un cristal.

— Ah ! je vous l’ai dit, reprit l’abbé, je répugne à un meurtre.

— Et cependant ce meurtre, s’il est commis, le sera par l’instinct de notre conservation, par un sentiment de défense personnelle.

— N’importe, je ne saurais.

— Vous y pensez, cependant ?

— Sans cesse, sans cesse, murmura l’abbé.

— Et vous avez trouvé un moyen, n’est-ce pas ? dit vivement Dantès.

— Oui, s’il arrivait qu’on pût mettre sur la galerie une sentinelle aveugle et sourde.

— Elle sera aveugle, elle sera sourde, répondit le jeune homme avec un accent de résolution qui épouvanta l’abbé.

— Non, non ! s’écria-t-il ; impossible.

Dantès voulut le retenir sur ce sujet, mais l’abbé secoua la tête et refusa de répondre davantage.

Trois mois s’écoulèrent.