Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/275

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sans avoir retrouvé l’usage de sa main et de son pied, avait reconquis toute la netteté de son intelligence, et avait peu à peu, outre les connaissances morales que nous avons détaillées, appris à son jeune compagnon ce métier patient et sublime du prisonnier, qui de rien sait faire quelque chose. Ils s’occupaient donc éternellement, Faria de peur de se voir vieillir, Dantès de peur de se rappeler son passé presque éteint, et qui ne flottait plus au plus profond de sa mémoire que comme une lumière lointaine égarée dans la nuit ; tout allait ainsi, comme dans ces existences où le malheur n’a rien dérangé et qui s’écoulent machinales et calmes sous l’œil de la Providence.

Mais, sous ce calme superficiel, il y avait dans le cœur du jeune homme et dans celui du vieillard peut-être bien des élans retenus, bien des soupirs étouffés, qui se faisaient jour lorsque Faria était resté seul et qu’Edmond était rentré chez lui.

Une nuit Edmond se réveilla en sursaut, croyant s’être entendu appeler.

Il ouvrit les yeux et essaya de percer les épaisseurs de l’obscurité.

Son nom, ou plutôt une voix plaintive qui essayait d’articuler son nom, arriva jusqu’à lui.

Il se leva sur son lit, la sueur de l’angoisse au front, et écouta. Plus de doute, la plainte venait du cachot de son compagnon.

— Grand Dieu ! murmura Dantès ; serait-ce ?

Et il déplaça son lit, tira la pierre, s’élança dans le corridor et parvint à l’extrémité opposée ; la dalle était levée.

À la lueur de cette lampe informe et vacillante dont nous avons parlé, Edmond vit le vieillard pâle, debout