Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/279

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croire et d’espérer ; mais les vieillards voient plus clairement la mort. Oh ! la voilà… elle vient… c’est fini… ma vue se perd… ma raison s’enfuit… Votre main, Dantès !… adieu !… adieu !

Et se relevant par un dernier effort dans lequel il rassembla toutes ses facultés :

— Monte-Cristo ! dit-il, n’oubliez pas Monte-Cristo !

Et il retomba sur son lit.

La crise fut terrible : des membres tordus, des paupières gonflées, une écume sanglante, un corps sans mouvement, voilà ce qui resta sur ce lit de douleur à la place de l’être intelligent qui s’y était couché un instant auparavant.

Dantès prit la lampe, la posa au chevet du lit sur une pierre qui faisait saillie et d’où sa lueur tremblante éclairait d’un reflet étrange et fantastique ce visage décomposé et ce corps inerte et roidi.

Les yeux fixés, il attendit intrépidement le moment d’administrer le remède sauveur.

Lorsqu’il crut le moment arrivé, il prit le couteau, desserra les dents, qui offrirent moins de résistance que la première fois, compta l’une après l’autre dix gouttes et attendit ; la fiole contenait le double encore à peu près de ce qu’il avait versé.

Il attendit dix minutes, un quart d’heure, une demi-heure, rien ne bougea. Tremblant, les cheveux roidis, le front glacé de sueur, il comptait les secondes par les battements de son cœur.

Alors il pensa qu’il était temps d’essayer la dernière épreuve : il approcha la fiole des lèvres violettes de Faria, et, sans avoir besoin de desserrer les mâchoires restées ouvertes, il versa toute la liqueur qu’elle contenait.

Le remède produisit un effet galvanique, un violent