Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/308

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— En tout cas, murmura le patron en le regardant, si c’est lui, tant mieux ; car j’ai fait là l’acquisition d’un fier homme.

Sous le prétexte qu’il était fatigué, Dantès demanda alors à s’asseoir au gouvernail. Le timonier, enchanté d’être relayé dans ses fonctions, consulta de l’œil le patron, qui lui fit de la tête signe qu’il pouvait remettre la barre à son nouveau compagnon.

Dantès ainsi placé put rester les yeux fixés du côté de Marseille.

— Quel quantième du mois tenons-nous ? demanda Dantès à Jacopo, qui était venu s’asseoir auprès de lui en perdant de vue le château d’If.

— Le 28 février, répondit celui-ci.

— De quelle année ? demanda encore Dantès.

— Comment, de quelle année ! Vous demandez de quelle année ?

— Oui, reprit le jeune homme, je vous demande de quelle année ?

— Vous avez oublié l’année où nous sommes ?

— Que voulez-vous ! j’ai eu si grand-peur cette nuit, dit en riant Dantès, que j’ai failli en perdre l’esprit ; si bien que ma mémoire en est demeurée toute troublée : je vous demande donc, le 28 de février, de quelle année nous sommes ?

— De l’année 1829, dit Jacopo.

Il y avait quatorze ans, jour pour jour, que Dantès avait été arrêté.

Il était entré à dix-neuf ans au château d’If, il en sortait à trente-trois ans.

Un douloureux sourire passa sur ses lèvres ; il se demanda ce qu’était devenue Mercédès pendant ce temps où elle avait dû le croire mort.