Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/62

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du Midi, les huîtres du Nord ; enfin tous ces hors-d’œuvre délicats que la vague roule sur sa rive sablonneuse, et que les pêcheurs reconnaissants désignent sous le nom générique de fruits de mer.

— Un beau silence ! dit le vieillard en savourant un verre de vin jaune comme la topaze, que le père Pamphile en personne venait d’apporter devant Mercédès. Dirait-on qu’il y a ici trente personnes qui ne demandent qu’à rire.

— Eh ! un mari n’est pas toujours gai, dit Caderousse.

— Le fait est, dit Dantès, que je suis trop heureux en ce moment pour être gai. Si c’est comme cela que vous l’entendez, voisin, vous avez raison ! La joie fait quelquefois un effet étrange, elle oppresse comme la douleur.

Danglars observa Fernand, dont la nature impressionnable absorbait et renvoyait chaque émotion.

— Allons donc, dit-il, est-ce que vous craindriez quelque chose ? il me semble au contraire que tout va selon vos désirs !

— Et c’est justement cela qui m’épouvante, dit Dantès, il me semble que l’homme n’est pas fait pour être si facilement heureux ! Le bonheur est comme ces palais des îles enchantées dont les dragons gardent les portes. Il faut combattre pour le conquérir, et moi, en vérité, je ne sais en quoi j’ai mérité le bonheur d’être le mari de Mercédès.

— Le mari, le mari, dit Caderousse en riant, pas encore, mon capitaine ; essaye un peu de faire le mari, et tu verras comme tu seras reçu !

Mercédès rougit.

Fernand se tourmentait sur sa chaise, tressaillait au moindre bruit, et de temps en temps essuyait de larges