Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/110

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— C’est comme cela que tu donnes l’exemple, maître Penelon ? dit le capitaine ; eh bien ! attends, attends !

Il alla prendre une paire de pistolets dans sa cabine.

— Le premier qui quitte la pompe, dit-il, je lui brûle la cervelle !

— Bien, dit l’Anglais.

— Il n’y a rien qui donne du courage comme les bonnes raisons, continua le marin, d’autant plus que pendant ce temps-là le temps s’était éclairci et que le vent était tombé ; mais il n’en est pas moins vrai que l’eau montait toujours, pas de beaucoup, de deux pouces peut-être par heure, mais enfin elle montait. Deux pouces par heure, voyez-vous, ça n’a l’air de rien ; mais en douze heures ça ne fait pas moins de vingt-quatre pouces, et vingt-quatre pouces font deux pieds. Deux pieds et trois que nous avions déjà, ça nous en fait cinq. Or, quand un bâtiment a cinq pieds d’eau dans le ventre, il peut passer pour hydropique.

— Allons, dit le capitaine, c’est assez comme cela, et M. Morrel n’aura rien à nous reprocher : nous avons fait ce que nous avons pu pour sauver le bâtiment ; maintenant il faut tâcher de sauver les hommes. À la chaloupe, enfants, et plus vite que cela !…

— Écoutez, monsieur Morrel, continua Penelon, nous aimions bien le Pharaon, mais si fort que le marin aime son navire, il aime encore mieux sa peau. Aussi nous ne nous le fîmes pas dire à deux fois ; avec cela, voyez-vous que le bâtiment se plaignait et semblait nous dire : « Allez-vous-en donc, mais allez-vous-en donc ! » Et il ne mentait pas, le pauvre Pharaon, nous le sentions littéralement s’enfoncer sous nos pieds. Tant il y a qu’en un tour de main la chaloupe était à la mer, et que nous étions tous les huit dedans.