Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/146

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et en se tenant évidemment prêts à faire force de rames ; ce qui, grâce à l’obscurité, n’était pas difficile.

Quant à Franz, il visitait ses armes avec ce sang-froid que nous lui connaissons ; il avait deux fusils à deux coups et une carabine, il les chargea, s’assura des batteries, et attendit.

Pendant ce temps le patron avait jeté bas son caban et sa chemise, assuré son pantalon autour de ses reins, et, comme il était pieds nus, il n’avait eu ni souliers ni bas à défaire. Une fois dans ce costume ou plutôt hors de son costume, il mit un doigt sur ses lèvres pour faire signe de garder le plus profond silence, et, se laissant couler dans la mer, il nagea vers le rivage avec tant de précaution qu’il était impossible d’entendre le moindre bruit. Seulement, au sillon phosphorescent que dégageaient ses mouvements on pouvait suivre sa trace.

Bientôt ce sillon même disparut : il était évident que Gaetano avait touché terre.

Tout le monde sur le petit bâtiment resta immobile pendant une demi-heure, au bout de laquelle on vit reparaître près du rivage et s’approcher de la barque le même sillon lumineux. Au bout d’un instant et en deux brassées Gaetano avait atteint la barque.

— Eh bien ? firent ensemble Franz et les quatre matelots.

— Eh bien ! dit-il, ce sont des contrebandiers espagnols ; ils ont seulement avec eux deux bandits corses.

— Et que font ces deux bandits corses avec des contrebandiers espagnols ?

— Eh ! mon Dieu ! Excellence, reprit Gaetano d’un ton de profonde charité chrétienne, il faut bien s’aider les uns les autres. Souvent les bandits se trouvent un peu pressés sur terre par les gendarmes ou les carabiniers,