Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/148

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— Qu’entendez-vous par avoir fait une peau ? Avoir assassiné un homme ? dit Franz continuant ses investigations.

— J’entends avoir tué un ennemi, reprit le patron, ce qui est bien différent.

— Eh bien ! fit le jeune homme, allons demander l’hospitalité aux contrebandiers et aux bandits. Croyez-vous qu’ils nous l’accordent ?

— Sans aucun doute.

— Combien sont-ils ?

— Quatre, Excellence, et les deux bandits ça fait six.

— Eh bien ! c’est juste notre chiffre ; nous sommes même, dans le cas où ces messieurs montreraient de mauvaises dispositions, en force égale, et par conséquent en mesure de les contenir. Ainsi, une dernière fois, va pour Monte-Cristo.

— Oui, Excellence ; mais vous nous permettrez bien encore de prendre quelques précautions ?

— Comment donc, mon cher ! soyez sage comme Nestor, et prudent comme Ulysse. Je fais plus que de vous le permettre, je vous y exhorte.

— Eh bien ! alors, silence ! fit Gaetano.

Tout le monde se tut.

Pour un homme envisageant, comme Franz, toute chose sous son véritable point de vue, la situation, sans être dangereuse, ne manquait pas d’une certaine gravité. Il se trouvait dans l’obscurité la plus profonde, isolé, au milieu de la mer, avec des mariniers qui ne le connaissaient pas et qui n’avaient aucun motif de lui être dévoués ; qui savaient qu’il avait dans sa ceinture quelques milliers de francs, et qui avaient dix fois, sinon avec envie, du moins avec curiosité, examiné ses armes, qui étaient fort belles. D’un autre côté il allait aborder, sans