Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/173

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vivant dans sa pensée et prenait d’importance dans son esprit. Aussi de temps en temps son imagination faisait asseoir au milieu des matelots, ou traverser un rocher, ou se balancer sur la barque, une de ces ombres qui avaient étoilé sa nuit de leurs regards et de leurs baisers. Du reste, il avait la tête parfaitement libre et le corps parfaitement reposé, aucune lourdeur dans le cerveau ; mais, au contraire, un certain bien-être général, une faculté d’absorber l’air et le soleil plus grande que jamais.

Il s’approcha donc gaiement de ses matelots.

Dès qu’ils le revirent ils se levèrent, et le patron s’approcha de lui.

— Le seigneur Simbad, lui dit-il, nous a chargés de tous ses compliments pour Votre Excellence, et nous a dit de lui exprimer le regret qu’il a de ne pouvoir prendre congé d’elle ; mais il espère que vous l’excuserez quand vous saurez qu’une affaire très pressante l’appelle à Malaga.

— Ah çà, mon cher Gaetano, dit Franz, tout cela est donc véritablement une réalité : il existe un homme qui m’a reçu dans cette île, qui m’y a donné une hospitalité royale, et qui est parti pendant mon sommeil ?

— Il existe si bien, que voilà son petit yacht qui s’éloigne, toutes voiles dehors, et que, si vous voulez prendre votre lunette d’approche, vous reconnaîtrez, selon toute probabilité, votre hôte au milieu de son équipage.

Et, en disant ces paroles, Gaetano étendait le bras dans la direction d’un petit bâtiment qui faisait voile vers la pointe méridionale de la Corse.

Franz tira sa lunette, la mit à son point de vue, et la dirigea vers l’endroit indiqué.

Gaetano ne se trompait pas. Sur l’arrière du bâtiment, le mystérieux étranger se tenait debout tourné de son