Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/188

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— À moi, on m’en a fait autant à Aqua-Pendente.

— Ah çà ! mon cher hôte, dit Albert en allumant son second cigare au reste de son premier, savez-vous que c’est très commode pour les voleurs cette mesure-là, et qu’elle m’a tout l’air d’avoir été prise de compte à demi avec eux ?

Sans doute maître Pastrini trouva la plaisanterie compromettante, car il n’y répondit qu’à moitié et encore en adressant la parole à Franz, comme au seul être raisonnable avec lequel il pût convenablement s’entendre.

— Son Excellence sait que ce n’est pas l’habitude de se défendre quand on est attaqué par des bandits.

— Comment ! s’écria Albert dont le courage se révoltait à l’idée de se laisser dévaliser sans rien dire ; comment ! ce n’est pas l’habitude ?

— Non ! car toute défense serait inutile. Que voulez-vous faire contre une douzaine de bandits qui sortent d’un fossé, d’une masure ou d’un aqueduc, et qui vous couchent en joue tous à la fois ?

— Eh sacrebleu ! je veux me faire tuer ! s’écria Albert.

L’aubergiste retourna vers Franz d’un air qui voulait dire : Décidément, Excellence, votre camarade est fou.

— Mon cher Albert, reprit Franz, votre réponse est sublime, et vaut le Qu’il mourût du vieux Corneille : seulement, quand Horace répondait cela, il s’agissait du salut de Rome, et la chose en valait la peine. Mais quant à nous, remarquez qu’il s’agit simplement d’un caprice à satisfaire, et qu’il serait ridicule, pour un caprice, de risquer notre vie.

— Ah ! per Bacco ! s’écria maître Pastrini, à la bonne heure, voilà ce qui s’appelle parler.

Albert se versa un verre de lacryma Christi, qu’il but