Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/210

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mousseline, les palmes de la ceinture, l’éclat du cachemire l’éblouissaient, le reflet des saphirs et des diamants la rendait folle.

De son côté Luigi sentait naître en lui un sentiment inconnu : c’était comme une douleur sourde qui le mordait au cœur d’abord, et de là, toute frémissante, courait par ses veines et s’emparait de tout son corps ; il suivit des yeux les moindres mouvements de Teresa et de son cavalier ; lorsque leurs mains se touchaient il ressentait comme des éblouissements, ses artères battaient avec violence, et l’on eût dit que le son d’une cloche vibrait à ses oreilles. Lorsqu’ils se parlaient, quoique Teresa écoutât, timide et les yeux baissés, les discours de son cavalier, comme Luigi lisait dans les yeux ardents du beau jeune homme que ces discours étaient des louanges, il lui semblait que la terre tournait sous lui et que toutes les voix de l’enfer lui soufflaient des idées de meurtre et d’assassinat. Alors, craignant de se laisser emporter à sa folie, il se cramponnait d’une main à la charmille contre laquelle il était debout, et de l’autre il serrait d’un mouvement convulsif le poignard au manche sculpté qui était passé dans sa ceinture et que, sans s’en apercevoir, il tirait quelquefois presque entier du fourreau.

Luigi était jaloux ! il sentait qu’emportée par sa nature coquette et orgueilleuse, Teresa pouvait lui échapper.

Et cependant la jeune paysanne, timide et presque effrayée d’abord, s’était bientôt remise. Nous avons dit que Teresa était belle. Ce n’est pas tout, Teresa était gracieuse, de cette grâce sauvage, bien autrement puissante que notre grâce minaudière et affectée.

Elle eut presque les honneurs du quadrille : et si elle fut envieuse de la fille du comte de San-Felice,