Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous n’oserions pas dire que Carmela ne fut pas jalouse d’elle.

Aussi fut-ce avec force compliments que son beau cavalier la reconduisit à la place où il l’avait prise, et où l’attendait Luigi.

Deux ou trois fois, pendant la contredanse, la jeune fille avait jeté un regard sur lui, et à chaque fois elle l’avait vu pâle et les traits crispés. Une fois même, la lame de son couteau, à moitié tirée de sa gaine, avait ébloui ses yeux comme un sinistre éclair.

Ce fut donc presque en tremblant qu’elle reprit le bras de son amant.

Le quadrille avait eu le plus grand succès, et il était évident qu’il était question d’en faire une seconde édition ; Carmela seule s’y opposait ; mais le comte de San-Felice pria sa fille si tendrement, qu’elle finit par consentir.

Aussitôt un des cavaliers s’avança pour inviter Teresa, sans laquelle il était impossible que la contredanse eût lieu ; mais la jeune fille avait déjà disparu.

En effet, Luigi ne s’était pas senti la force de supporter une seconde épreuve ; et, moitié par persuasion, moitié par force, il avait entraîné Teresa vers un autre point du jardin. Teresa avait cédé bien malgré elle ; mais elle avait vu à la figure bouleversée du jeune homme, elle comprenait à son silence entrecoupé de tressaillements nerveux, que quelque chose d’étrange se passait en lui. Elle-même n’était pas exempte d’une agitation intérieure, et sans avoir cependant rien fait de mal, elle comprenait que Luigi était en droit de lui faire des reproches : sur quoi ? elle l’ignorait ; mais elle ne sentait pas moins que ces reproches seraient mérités.

Cependant, au grand étonnement de Teresa, Luigi