Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/29

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un homme si rigide, que c’était la première fois qu’on le voyait renoncer à une entreprise ou même retarder son exécution.

Aussi Dantès ne voulut-il pas souffrir qu’on fît en sa faveur une si grave infraction aux règles de la discipline établie à bord.

— Non, dit-il au patron, j’ai été un maladroit, et il est juste que je porte la peine de ma maladresse. Laissez-moi une petite provision de biscuit, un fusil, de la poudre et des balles pour tuer des chevreaux, ou même pour me défendre, et une pioche pour me construire, si vous tardiez trop à me venir prendre, une espèce de maison.

— Mais tu mourras de faim, dit le patron.

— J’aime mieux cela, répondit Edmond, que de souffrir les douleurs inouïes qu’un seul mouvement me fait endurer.

Le patron se retournait du côté du bâtiment, qui se balançait avec un commencement d’appareillage dans le petit port, prêt à reprendre la mer dès que sa toilette serait achevée.

— Que veux-tu donc que nous fassions, Maltais ? dit-il, nous ne pouvons t’abandonner ainsi, et nous ne pouvons rester, cependant ?

— Partez, partez ! s’écria Dantès.

— Nous serons au moins huit jours absents, dit le patron, et encore faudra-t-il que nous nous détournions de notre route pour te venir prendre.

— Écoutez, dit Dantès : si d’ici à deux ou trois jours vous rencontrez quelque bâtiment pêcheur ou autre qui vienne dans ces parages, recommandez-moi à lui, je donnerai vingt-cinq piastres pour mon retour à Livourne. Si vous n’en trouvez pas, revenez.

Le patron secoua la tête.