Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/301

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Il en est du moccoletto comme de la vie : l’homme n’a encore trouvé qu’un moyen de la transmettre ; et ce moyen il le tient de Dieu.

Mais il a découvert mille moyens de l’ôter ; il est vrai que pour cette suprême opération le diable lui est quelque peu venu en aide.

Le moccoletto s’allume en l’approchant d’une lumière quelconque.

Mais qui décrira les mille moyens inventés pour éteindre le moccoletto, les soufflets gigantesques, les éteignoirs monstres, les éventails surhumains ?

Chacun se hâta donc d’acheter des moccoletti, Franz et Albert comme les autres.

La nuit s’approchait rapidement ; et déjà, au cri de : Moccoli ! répété par les voix stridentes d’un millier d’industriels, deux ou trois étoiles commencèrent à briller au-dessus de la foule. Ce fut comme un signal.

Au bout de dix minutes, cinquante mille lumières scintillèrent, descendant du palais de Venise à la place du Peuple, et remontant de la place du Peuple au palais de Venise.

On eût dit la fête des feux follets.

On ne peut se faire une idée de cet aspect si on ne l’a pas vu.

Supposez toutes les étoiles se détachant du ciel et venant se mêler sur la terre à une danse insensée.

Le tout accompagné de cris comme jamais oreille humaine n’en a entendu sur le reste de la surface du globe.

C’est en ce moment surtout qu’il n’y a plus de distinction sociale.

Le facchino s’attache au prince, le prince au Transtévère, le Transtévère au bourgeois, chacun soufflant, éteignant, ranimant. Si le vieil Éole apparaissait en ce