Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/87

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L’abbé se leva, prit son chapeau et ses gants.

— Ah çà, dit-il, tout ce que vous m’avez dit est bien vrai, n’est-ce pas, et je puis y croire en tout point ?

— Tenez, monsieur l’abbé, dit Caderousse, voici dans le coin de ce mur un christ de bois bénit ; ouvrez sur ce bahut le livre d’évangiles de ma femme : ouvrez ce livre, et je vais vous jurer dessus, la main étendue vers le christ, je vais vous jurer sur le salut de mon âme, sur ma foi de chrétien, que je vous ai dit toutes choses comme elles s’étaient passées, et comme l’ange des hommes le dira à l’oreille de Dieu le jour du jugement dernier !

— C’est bien, dit l’abbé convaincu par cet accent que Caderousse disait la vérité, c’est bien ; que cet argent vous profite ! Adieu, je retourne loin des hommes qui se font tant de mal les uns aux autres.

Et l’abbé, se délivrant à grand-peine des enthousiastes élans de Caderousse, leva lui-même la barre de la porte, sortit, remonta à cheval, salua une dernière fois l’aubergiste qui se confondait en adieux bruyants, et partit, suivant la même direction qu’il avait déjà suivie pour venir.

Quand Caderousse se retourna, il vit derrière lui la Carconte, plus pâle et plus tremblante que jamais.

— Est-ce bien vrai, ce que j’ai entendu ? dit-elle.

— Quoi ? qu’il nous donnait le diamant pour nous tout seuls ? dit Caderousse, presque fou de joie.

— Oui.

— Rien de plus vrai, car le voilà.

La femme le regarda un instant ; puis d’une voix sourde :

— Et s’il était faux ? dit-elle.

Caderousse pâlit et chancela.

— Faux, murmura-t-il, faux… et pourquoi cet homme m’aurait-il donné un diamant faux ?