Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/107

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étonnantes, et qui, plus d’une fois, me donnèrent cette preuve, que le trop grand soin que nous prenons de notre corps est à peu près le seul obstacle à la réussite de ceux de nos projets qui ont besoin d’une décision rapide et d’une exécution vigoureuse et déterminée. En effet, une fois qu’on a fait le sacrifice de sa vie, on n’est plus l’égal des autres hommes, ou plutôt les autres hommes ne sont plus vos égaux, et quiconque a pris cette résolution sent, à l’instant même, décupler ses forces et s’agrandir son horizon.

— De la philosophie, monsieur Bertuccio ! interrompit le comte ; mais vous avez donc fait un peu de tout dans votre vie ?

— Oh ! pardon, Excellence !

— Non ! non ! c’est que la philosophie à dix heures et demie du soir, c’est un peu tard. Mais je n’ai pas d’autre observation à faire, attendu que je la trouve exacte, ce qu’on ne peut pas dire de toutes les philosophies.

— Mes courses devinrent donc de plus en plus étendues, de plus en plus fructueuses. Assunta était ménagère, et notre petite fortune s’arrondissait. Un jour que je partais pour une course : — « Va, dit-elle et à ton retour je te ménage une surprise. »

Je l’interrogeais inutilement : elle ne voulut rien me dire et je partis.

La course dura près de six semaines ; nous avions été à Lucques charger de l’huile, et à Livourne prendre des cotons anglais ; notre débarquement se fit sans événement contraire, nous réalisâmes nos bénéfices et nous revînmes tout joyeux.

En rentrant dans la maison, la première chose que je vis à l’endroit le plus apparent de la chambre d’Assunta, dans un berceau somptueux relativement au reste de