Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/151

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Danglars sentit la botte et se mordit les lèvres.

— Excusez-moi, monsieur, dit-il, de ne pas vous avoir donné du premier coup le titre sous lequel vous m’avez été annoncé ; mais, vous le savez, nous vivons sous un gouvernement populaire, et moi, je suis un représentant des intérêts du peuple.

— De sorte, répondit Monte-Cristo, que, tout en conservant l’habitude de vous faire appeler baron, vous avez perdu celle d’appeler les autres comte.

— Ah ! je n’y tiens pas même pour moi, monsieur, répondit négligemment Danglars ; ils m’ont nommé baron et fait chevalier de la Légion d’honneur pour quelques services rendus, mais…

— Mais vous avez abdiqué vos titres, comme ont fait autrefois MM. de Montmorency et de Lafayette ? c’était un bel exemple à suivre, monsieur.

— Pas tout à fait, cependant, reprit Danglars embarrassé ; pour les domestiques, vous comprenez…

— Oui, vous vous appelez monseigneur pour vos gens ; pour les journalistes, vous vous appelez monsieur ; et pour vos commettants, citoyen. Ce sont des nuances très applicables au gouvernement constitutionnel. Je comprends parfaitement.

Danglars se pinça les lèvres : il vit que, sur ce terrain-là, il n’était pas de force avec Monte-Cristo ; il essaya donc de revenir sur un terrain qui lui était plus familier.

— Monsieur le comte, dit-il en s’inclinant, j’ai reçu une lettre d’avis de la maison Thomson et French.

— J’en suis charmé, monsieur le baron. Permettez-moi de vous traiter comme vous traitent vos gens, c’est une mauvaise habitude prise dans des pays où il y a encore des barons, justement parce qu’on n’en fait plus.