Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/200

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de ses joues. Quelques mèches blanches argentaient sa chevelure encore épaisse, tandis que son teint bronzé et son œil hardi et vif annonçaient le vieux marin, bruni au soleil de l’équateur et hâlé au souffle des tempêtes.

— Je crois que vous m’avez hélé, mademoiselle Julie, dit-il : me voilà.

Penelon avait conservé l’habitude d’appeler la fille de son patron mademoiselle Julie, et n’avait jamais pu prendre celle de l’appeler madame Herbault.

— Penelon, dit Julie, allez prévenir M. Emmanuel de la bonne visite qui nous arrive, tandis que M. Maximilien conduira monsieur au salon.

Puis se tournant vers Monte-Cristo :

— Monsieur me permettra bien de m’enfuir une minute, n’est-ce pas ?

Et sans attendre l’assentiment du comte, elle s’élança derrière un massif et gagna la maison par une allée latérale.

— Ah çà ! mon cher monsieur Morrel, dit Cristo, je m’aperçois avec douleur que je fais la révolution dans votre famille.

— Tenez, tenez, dit Maximilien en riant, vous voyez là-bas le mari qui, de son côté, va troquer sa veste contre une redingote ? Oh ! c’est qu’on vous connaît rue Meslay, vous étiez annoncé, je vous prie de le croire.

— Vous me paraissez avoir là, monsieur, une heureuse famille, dit le comte, répondant à sa pensée.

— Oh ! oui, je vous en réponds, monsieur le comte ; que voulez-vous ? il ne leur manque rien pour être heureux : ils sont jeunes, ils sont gais, ils s’aiment, et avec leurs vingt-cinq mille livres de rente ils se figurent, eux qui ont cependant côtoyé tant d’immenses fortunes, ils se figurent posséder la richesse des Rothschild.