Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/203

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grand-peine dans un immense vase du Japon à anses naturelles. Julie, convenablement vêtue et coquettement coiffée (elle avait accompli ce tour de force en dix minutes), se présenta pour recevoir le comte à son entrée.

On entendait caqueter les oiseaux d’une volière voisine ; les branches des faux ébéniers et des roses venaient border de leurs grappes les rideaux de velours bleu : tout dans cette charmante retraite respirait le calme, depuis le chant de l’oiseau jusqu’au sourire des maîtres.

Le comte, depuis son entrée dans la maison, s’était déjà imprégné de ce bonheur ; aussi restait-il muet, rêveur, oubliant qu’on l’attendait pour reprendre la conversation interrompue après les premiers compliments.

Il s’aperçut de ce silence devenu presque inconvenant, et s’arrachant avec effort à sa rêverie :

— Madame, dit-il enfin, pardonnez-moi une émotion qui doit vous étonner, vous, accoutumée à cette paix et à ce bonheur que je rencontre ici ; mais pour moi, c’est chose si nouvelle que la satisfaction sur un visage humain, que je ne me lasse pas de vous regarder, vous et votre mari.

— Nous sommes bien heureux, en effet, monsieur, répliqua Julie ; mais nous avons été longtemps à souffrir, et peu de gens ont acheté leur bonheur aussi cher que nous.

La curiosité se peignit sur les traits du comte.

— Oh ! c’est toute une histoire de famille, comme vous le disait l’autre jour Château-Renaud, reprit Maximilien ; pour vous, monsieur le comte, habitué à voir d’illustres malheurs et des joies splendides, il y aura peu d’intérêt dans ce tableau d’intérieur. Toutefois nous avons, comme vient de vous le dire Julie, souffert de bien vives