Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/274

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— Comment le pourrais-je, si son mari ne réussit pas ? demanda Lucien. Vous connaissez le caractère de la baronne ; personne n’a d’influence sur elle, et elle ne fait absolument que ce qu’elle veut.

— Oh ! si j’étais à votre place, dit Albert.

— Eh bien !

— Je la guérirais, moi ; ce serait un service à rendre à son futur gendre.

— Comment cela ?

— Ah pardieu ! c’est bien facile, je lui donnerais une leçon.

— Une leçon ?

— Oui. Votre position de secrétaire du ministre vous donne une grande autorité pour les nouvelles ; vous n’ouvrez pas la bouche que les agents de change ne sténographient au plus vite vos paroles ; faites-lui perdre une centaine de mille francs coup sur coup, et cela la rendra prudente.

— Je ne comprends pas, balbutia Lucien.

— C’est cependant limpide, répondit le jeune homme avec une naïveté qui n’avait rien d’affecté ; annoncez-lui un beau matin quelque chose d’inouï, une nouvelle télégraphique que vous seul puissiez savoir ; que Henri IV, par exemple, a été vu avant-hier chez Gabrielle ; cela fera monter les fonds, elle établira son coup de bourse là-dessus, et elle perdra certainement lorsque Beauchamp écrira le lendemain dans son journal :

« C’est à tort que les gens bien informés prétendent que le roi Henri IV a été vu avant-hier chez Gabrielle, ce fait est complètement inexact ; le roi Henri IV n’a pas quitté le pont neuf. »

Lucien se mit à rire du bout des lèvres. Monte-Cristo quoique indifférent en apparence, n’avait pas perdu un