Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/73

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tion de mère que je vous adresse là, vous le comprenez, vous avez vu M. de Monte-Cristo dans son intérieur ; vous avez de la perspicacité, vous avez l’habitude du monde, plus de tact qu’on n’en a d’ordinaire à votre âge ; croyez-vous que le comte soit ce qu’il paraît réellement être ?

— Et que paraît-il ?

— Vous l’avez dit vous-même à l’instant, un grand seigneur.

— Je vous ai dit, ma mère, qu’on le tenait pour tel.

— Mais qu’en pensez-vous, vous, Albert ?

— Je n’ai pas, je vous l’avouerai, d’opinion bien arrêtée sur lui ; je le crois Maltais.

— Je ne vous interroge pas sur son origine ; je vous interroge sur sa personne.

— Ah ! sur sa personne, c’est autre chose ; et j’ai vu tant de choses étranges de lui, que si vous voulez que je vous dise ce que je pense, je vous répondrai que je le regarderais volontiers comme un des hommes de Byron, que le malheur a marqué d’un sceau fatal ; quelque Manfred, quelque Lara, quelque Werner ; comme un de ces débris enfin de quelque vieille famille qui, déshérités de leur fortune paternelle, en ont trouvé une par la force de leur génie aventureux qui les a mis au-dessus des lois de la société.

— Vous dites ?…

— Je dis que Monte-Cristo est une île au milieu de la Méditerranée, sans habitants, sans garnison, repaire de contrebandiers de toutes nations, de pirates de tous pays. Qui sait si ces dignes industriels ne payent pas à leur seigneur un droit d’asile ?

— C’est possible, dit la comtesse rêveuse.

— Mais n’importe, reprit le jeune homme, contreban-