Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/105

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l’autre un secours contre cette agression ; mais l’irrésistible pouvoir du maître de la maison triompha et force resta au mari.

— N’allez pas croire au moins que je vous chasse, mon cher Debray, continua Danglars ; non, pas le moins du monde : une circonstance imprévue me force à désirer d’avoir ce soir même une conversation avec la baronne : cela m’arrive assez rarement pour qu’on ne me garde pas rancune.

Debray balbutia quelques mots, salua et sortit en se heurtant aux angles, comme Nathan dans Athalie.

— C’est incroyable, dit-il, quand la porte fut fermée derrière lui, combien ces maris, que nous trouvons cependant si ridicules, prennent facilement l’avantage sur nous !

Lucien parti, Danglars s’installa à sa place sur le canapé, ferma le livre resté ouvert, et, prenant une pose horriblement prétentieuse, continua de jouer avec le chien. Mais comme le chien, qui n’avait pas pour lui la même sympathie que pour Debray, le voulait mordre, il le prit par la peau du cou et l’envoya de l’autre côté de la chambre sur une chaise longue.

L’animal jeta un cri en traversant l’espace ; mais, arrivé à sa destination, il se tapit derrière un coussin, et, stupéfait de ce traitement auquel il n’était point accoutumé, il se tint muet et sans mouvement.

— Savez-vous, monsieur, dit la baronne sans sourciller, que vous faites des progrès ? Ordinairement vous n’étiez que grossier ; ce soir vous êtes brutal.

— C’est que je suis ce soir de plus mauvaise humeur qu’ordinairement, répondit Danglars.

Hermine regarda le banquier avec un suprême dédain. Ordinairement ces manières de coup d’œil exaspéraient