Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/191

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— Eh, mon Dieu ! madame, demanda-t-il, que s’est-il passé ? qui vous bouleverse ainsi ? et M. de Saint-Méran ne vous accompagne-t-il pas ?

— M. de Saint-Méran est mort, dit la vieille marquise, sans préambule, sans expression, et avec une sorte de stupeur.

Villefort recula d’un pas et frappa ses mains l’une contre l’autre.

— Mort !… balbutia-t-il ; mort ainsi… subitement ?

— Il y a huit jours, continua madame de Saint-Méran, nous montâmes ensemble en voiture après dîner. M. de Saint-Méran était souffrant depuis quelques jours : cependant l’idée de revoir notre chère Valentine le rendait courageux, et malgré ses douleurs il avait voulu partir lorsque, à six lieues de Marseille, il fut pris, après avoir mangé ses pastilles habituelles, d’un sommeil si profond qu’il ne me semblait pas naturel ; cependant j’hésitais à le réveiller, quand il me sembla que son visage rougissait et que les veines de ses tempes battaient plus violemment que d’habitude. Mais cependant, comme la nuit était venue et que je ne voyais plus rien, je le laissai dormir ; bientôt il poussa un cri sourd et déchirant comme celui d’un homme qui souffre en rêve, et renversa d’un brusque mouvement sa tête en arrière. J’appelai le valet de chambre, je fis arrêter le postillon, j’appelai M. de Saint-Méran, je lui fis respirer mon flacon de sels, tout était fini, il était mort, et ce fut côte à côte avec son cadavre que j’arrivai à Aix.

Villefort demeurait stupéfait et la bouche béante.

— Et vous appelâtes un médecin, sans doute ?

— À l’instant même ; mais, comme je vous l’ai dit, il était trop tard.

— Sans doute ; mais au moins pouvait-il