Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/229

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de Saint-Méran, et jamais Barrois n’entrait chez ma belle-mère. Enfin, vous le dirai-je, docteur, quoique je vous sache l’homme le plus habile et surtout le plus consciencieux du monde, quoiqu’en toute circonstance votre parole soit pour moi un flambeau qui me guide à l’égal de la lumière du soleil, eh bien, docteur, eh bien ! j’ai besoin, malgré cette conviction, de m’appuyer sur cet axiome, errare humanum est.

— Écoutez, Villefort, dit le docteur, existe-t-il un de mes confrères en qui vous ayez autant de confiance qu’en moi ?

— Pourquoi cela, dites ? où voulez-vous en venir ?

— Appelez-le, je lui dirai ce que j’ai vu, ce que j’ai remarqué, nous ferons l’autopsie.

— Et vous trouverez des traces du poison ?

— Non, pas du poison, je n’ai pas dit cela, mais nous constaterons l’exaspération du système nerveux, nous reconnaîtrons l’asphyxie patente, incontestable, et nous vous dirons : Cher Villefort, si c’est par négligence que la chose est arrivée, veillez sur vos serviteurs ; si c’est par haine, veillez sur vos ennemis.

— Oh ! mon Dieu ! que me proposez-vous là, d’Avrigny ? répondit Villefort abattu ; du moment où il y aura un autre que vous dans le secret, une enquête deviendra nécessaire, et une enquête chez moi impossible ! Pourtant, continua le procureur du roi en se reprenant et en regardant le médecin avec inquiétude, pourtant si vous le voulez, si vous l’exigez absolument, je le ferai. En effet, peut-être dois-je donner suite à cette affaire ; mon caractère me le commande. Mais, docteur, vous me voyez d’avance pénétré de tristesse ; introduire dans ma maison tant de scandale après tant de douleur ! Oh ! ma femme et ma fille en mourront ; et moi, moi, docteur, vous le