Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/50

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et j’en avais vingt et une, cinq de plus que l’année dernière. Mais ce n’est pas étonnant, le printemps a été chaud cette année, et ce qu’il faut aux fraises voyez-vous, monsieur, c’est la chaleur. Voilà pourquoi, au lieu de seize que j’ai eues l’année passée, j’en ai cette année, voyez-vous, onze déjà cueillies, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dix-sept, dix-huit. Oh ! mon Dieu ! il m’en manque deux, elles y étaient encore hier, monsieur, elles y étaient, j’en suis sûr, je les ai comptées. Il faut que ce soit le fils de la mère Simon qui me les ait soufflées ; je l’ai vu rôder par ici ce matin. Ah ! le petit drôle, voler dans un enclos ! il ne sait donc pas où cela peut le mener.

— En effet, dit Monte-Cristo, c’est grave, mais vous ferez la part de la jeunesse du délinquant et de sa gourmandise.

— Certainement, dit le jardinier ; cependant ce n’en est pas moins fort désagréable. Mais, encore une fois, pardon, monsieur : c’est peut-être un chef que je fais attendre ainsi ?

Et il interrogeait d’un regard craintif le comte et son habit bleu.

— Rassurez-vous, mon ami, dit le comte avec ce sourire qu’il faisait, à sa volonté, si terrible et si bienveillant, et qui cette fois n’exprimait que la bienveillance, je ne suis point un chef qui vient pour vous inspecter, mais un simple voyageur conduit par la curiosité et qui commence même à se reprocher sa visite en voyant qu’il vous fait perdre votre temps.

— Oh ! mon temps n’est pas cher, répliqua le bonhomme avec un sourire mélancolique. Cependant c’est le temps du gouvernement, et je ne devrais pas le perdre mais j’avais reçu le signal qui m’annonçait que je