Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/107

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— Il arrivera trop tard, il arrivera trop tard, dit Caderousse, je sens tout mon sang qui s’en va.

— Attendez, dit Monte-Cristo.

Il sortit et rentra cinq minutes après avec un flacon.

Les yeux du moribond, effrayants de fixité, n’avaient point en son absence quitté cette porte par laquelle il devinait instinctivement qu’un secours allait lui venir.

— Dépêchez-vous, monsieur l’abbé, dépêchez-vous ! dit-il, je sens que je m’évanouis encore.

Monte-Cristo s’approcha et versa sur les lèvres violettes du blessé trois ou quatre gouttes de la liqueur que contenait le flacon.

Caderousse poussa un soupir.

— Oh ! dit-il, c’est la vie que vous me versez là ; encore… encore…

— Deux gouttes de plus vous tueraient, répondit l’abbé.

— Oh ! qu’il vienne donc quelqu’un à qui je puisse dénoncer le misérable.

— Voulez-vous que j’écrive votre déposition ? vous la signerez.

— Oui… oui… dit Caderousse, dont les yeux brillaient à l’idée de cette vengeance posthume.

Monte-Cristo écrivit :

« Je meurs assassiné par le Corse Benedetto, mon compagnon de chaîne à Toulon sous le no 59. »

— Dépêchez-vous, dépêchez-vous ! dit Caderousse, je ne pourrais plus signer.

Monte-Cristo présenta la plume à Caderousse, qui rassembla ses forces, signa et retomba sur son lit en disant :

— Vous raconterez le reste, monsieur l’abbé ; vous direz qu’il se fait appeler Andrea Cavalcanti, qu’il loge à