Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses meilleurs chevaux. Ainsi paré, il se rendit rue de la Chaussée-d’Antin, et se fit annoncer à Danglars, qui lisait son relevé de fin de mois.

Ce n’était pas le moment où, depuis quelque temps il fallait prendre le banquier pour le trouver de bonne humeur.

Aussi, à l’aspect de son ancien ami, Danglars prit son air majestueux et s’établit carrément dans son fauteuil.

Morcerf, si empesé d’habitude, avait emprunté au contraire un air riant et affable ; en conséquence, à peu près sûr qu’il était que son ouverture allait recevoir un bon accueil, il ne fit point de diplomatie, et arrivant au but d’un seul coup :

— Baron, dit-il, me voici. Depuis longtemps nous tournons autour de nos paroles d’autrefois…

Morcerf s’attendait, à ces mots, à voir s’épanouir la figure du banquier, dont il attribuait le rembrunissement à son silence ; mais, au contraire, cette figure devint, ce qui était presque incroyable, plus impassible et plus froide encore.

Voilà pourquoi Morcerf s’était arrêté au milieu de sa phrase.

— Quelles paroles, monsieur le comte ? demanda le banquier, comme s’il cherchait vainement dans son esprit l’explication de ce que le général voulait dire.

— Oh ! dit le comte, vous êtes formaliste, mon cher monsieur, et vous me rappelez que le cérémonial doit se faire selon tous les rites. Très bien ! ma foi. Pardonnez-moi ; comme je n’ai qu’un fils, et que c’est la première fois que je songe à le marier, j’en suis encore à mon apprentissage : allons, je m’exécute.

Et Morcerf, avec un sourire forcé, se leva, fit une profonde révérence à Danglars, et lui dit :