Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/175

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si calme et avec ce coup d’œil si pénétrant, qu’on reconnaît à ce double caractère l’homme éternellement sûr de lui-même. Si peu familier que je sois avec les habitudes parisiennes, je n’aurais pas cru, monsieur, que ce fût là que les explications se demandaient.

— Cependant, lorsque les gens se font celer, dit Albert, lorsqu’on ne peut pénétrer jusqu’à eux, sous prétexte qu’ils sont au bain, à la table ou au lit, il faut bien s’adresser là où on les rencontre.

— Je ne suis pas difficile à rencontrer, dit Monte-Cristo, car hier encore, monsieur, si j’ai bonne mémoire, vous étiez chez moi.

— Hier, monsieur, dit le jeune homme, dont la tête s’embarrassait, j’étais chez vous parce que j’ignorais qui vous étiez.

Et, en prononçant ces paroles, Albert avait élevé la voix de manière à ce que les personnes placées dans les loges voisines l’entendissent, ainsi que celles qui passaient dans le couloir. Aussi les personnes des loges se retournèrent-elles, et celles du couloir s’arrêtèrent-elles derrière Beauchamp et Château-Renaud au bruit de cette altercation.

— D’où sortez-vous donc, monsieur ! dit Monte-Cristo sans la moindre émotion apparente. Vous ne semblez pas jouir de votre bon sens.

— Pourvu que je comprenne vos perfidies, monsieur, et que je parvienne à vous faire comprendre que je veux m’en venger, je serai toujours assez raisonnable, dit Albert furieux.

— Monsieur, je ne vous comprends point, répliqua Monte-Cristo, et, quand même je vous comprendrais, vous n’en parleriez encore que trop haut. Je suis ici chez moi, monsieur, et moi seul ai le droit d’y élever la voix au-dessus des autres. Sortez, monsieur !