Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/187

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pareilles choses, qu’était-ce que la lettre que vous venez de lire ? une mystification galante que doit pardonner, je l’avoue et le comprends, la femme qui a épousé cet homme, mais que ne pardonne pas l’amant qui devait l’épouser. Eh bien ! les Français ne se sont pas vengés du traître, les Espagnols n’ont pas fusillé le traître, Ali, couché dans sa tombe, a laissé impuni le traître ; mais moi, trahi, assassiné, jeté aussi dans une tombe, je suis sorti de cette tombe par la grâce de Dieu, je dois à Dieu de me venger ; il m’envoie pour cela, et me voici.

La pauvre femme laissa retomber sa tête entre ses mains ; ses jambes plièrent sous elle, et elle tomba à genoux.

— Pardonnez, Edmond, dit-elle, pardonnez pour moi, qui vous aime encore !

La dignité de l’épouse arrêta l’élan de l’amante et de la mère. Son front s’inclina presque à toucher le tapis.

Le comte s’élança au-devant d’elle et la releva.

Alors, assise sur un fauteuil, elle put, à travers ses larmes, regarder le mâle visage de Monte-Cristo, sur lequel la douleur et la haine imprimaient encore un caractère menaçant.

— Que je n’écrase pas cette race maudite ! murmura-t-il ; que je désobéisse à Dieu, qui m’a suscité pour sa punition ! impossible, madame, impossible !

— Edmond, dit la pauvre mère, essayant de tous les moyens ; mon Dieu ! quand je vous appelle Edmond, pourquoi ne m’appelez-vous pas Mercédès ?

— Mercédès, répéta Monte-Cristo, Mercédès ! Eh bien ! oui, vous avez raison, ce nom m’est doux encore à prononcer, et voilà la première fois, depuis bien longtemps, qu’il retentit si clairement au sortir de mes lèvres. Oh ! Mercédès, votre nom, je l’ai prononcé avec les soupirs de la mélancolie, avec les gémissements de la douleur,