Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/137

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— Mille francs, ma mère. Oh ! il est parfaitement carré.

— Mais d’où te viennent ces mille francs ?

— Écoutez ceci, ma mère, et ne vous émotionnez pas trop.

Et Albert se levant alla embrasser sa mère sur les deux joues, puis il s’arrêta à la regarder.

— Vous n’avez pas idée, ma mère, comme je vous trouve belle ! dit le jeune homme avec un profond sentiment d’amour filial, vous êtes en vérité la plus belle comme vous êtes la plus noble des femmes que j’aie jamais vues !

— Cher enfant, dit Mercédès essayant en vain de retenir une larme qui pointait au coin de sa paupière.

— En vérité, il ne vous manquait plus que d’être malheureuse pour changer mon amour en adoration.

— Je ne suis pas malheureuse tant que j’ai mon fils, dit Mercédès ; je ne serai point malheureuse tant que je l’aurai.

— Ah ! justement, dit Albert ; mais voilà où commence l’épreuve, ma mère ! vous savez ce qui est convenu ?

— Sommes-nous donc convenus de quelque chose ? demanda Mercédès.

— Oui, il est convenu que vous habiterez Marseille, et que moi je partirai pour l’Afrique, où, en place du nom que j’ai quitté, je me ferai le nom que j’ai pris.

Mercédès poussa un soupir.

— Eh bien ! ma mère, depuis hier je suis engagé dans les spahis, ajouta le jeune homme en baissant les yeux avec une certaine honte, car il ne savait pas lui-même tout ce que son abaissement avait de sublime, ou plutôt j’ai cru que mon corps était bien à moi et que je pouvais le vendre : depuis hier je remplace quelqu’un.

Je me suis vendu, comme on dit, et, ajouta-t-il en