Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/170

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— Eh bien ! il m’a dit que Benedetto, qu’on regarde comme un phénix de subtilité, comme un géant d’astuce, n’est qu’un filou très subalterne, très niais, et tout à fait indigne des expériences qu’on fera après sa mort sur ses organes phrénologiques.

— Bah ! fit Beauchamp ; il jouait cependant très passablement le prince.

— Pour vous, Beauchamp, qui les détestez, ces malheureux princes et qui êtes enchanté de leur trouver de mauvaises façons ; mais pas pour moi, qui flaire d’instinct le gentilhomme et qui lève une famille aristocratique, quelle qu’elle soit, en vrai limier du blason.

— Ainsi, vous n’avez jamais cru à sa principauté ?

— À sa principauté ? si… à son principat ? non.

— Pas mal, dit Debray ; je vous assure cependant que pour tout autre que vous il pouvait passer… Je l’ai vu chez les ministres.

— Ah ! oui, dit Château-Renaud ; avec cela que vos ministres se connaissent en princes !

— Il y a du bon dans ce que vous venez de dire, Château-Renaud, répondit Beauchamp en éclatant de rire ; la phrase est courte, mais agréable. Je vous demande la permission d’en user dans mon compte rendu.

— Prenez, mon cher monsieur Beauchamp, dit Château-Renaud, prenez ; je vous donne ma phrase pour ce qu’elle vaut.

— Mais, dit Debray à Beauchamp, si j’ai parlé au président, vous avez dû parler au procureur du roi, vous ?

— Impossible ; depuis huit jours M. de Villefort se cèle ; c’est tout naturel : cette suite étrange de chagrins domestiques couronnée par la mort étrange de sa fille…

— La mort étrange ! Que dites-vous donc là, Beauchamp ?