Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/193

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Derrière le cadavre, la portière relevée laissait voir une partie du boudoir, un piano et le bout d’un divan de satin bleu.

Villefort fit trois ou quatre pas en avant, et sur le canapé il aperçut son enfant couché.

L’enfant dormait sans doute.

Le malheureux eut un élan de joie indicible ; un rayon de pure lumière descendit dans cet enfer où il se débattait.

Il ne s’agissait donc que de passer par-dessus le cadavre, d’entrer dans le boudoir, de prendre l’enfant dans ses bras et de fuir avec lui, loin, bien loin.

Villefort n’était plus cet homme dont son exquise corruption faisait le type de l’homme civilisé : c’était un tigre blessé à mort qui laisse ses dents brisées dans sa dernière blessure.

Il n’avait plus peur des préjugés, mais des fantômes. Il prit son élan et bondit par-dessus le cadavre, comme s’il se fût agi de franchir un brasier dévorant.

Il enleva l’enfant dans ses bras, le serrant, le secouant, l’appelant ; l’enfant ne répondit point. Il colla ses lèvres avides à ses joues, ses joues étaient livides et glacées ; il palpa ses membres roidis ; il appuya sa main sur son cœur, son cœur ne battait plus.

L’enfant était mort.

Un papier plié en quatre tomba de la poitrine d’Édouard.

Villefort, foudroyé, se laissa aller sur ses genoux : l’enfant s’échappa de ses bras inertes et roula du côté de sa mère.

Villefort ramassa le papier, reconnut l’écriture de sa femme et le parcourut avidement.

Voici ce qu’il contenait :