Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/200

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— N’es-tu pas bien téméraire dans ton jugement, Emmanuel ? dit Julie. Quand mon père, le pistolet à la main, était prêt à se brûler la cervelle, si quelqu’un eût dit comme tu le dis à cette heure : Cet homme a mérité sa peine, ce quelqu’un-là ne se serait-il point trompé ?

— Oui, mais Dieu n’a pas permis que notre père succombât, comme il n’a pas permis qu’Abraham sacrifiât son fils. Au patriarche, comme à nous, il a envoyé un ange qui a coupé à moitié chemin les ailes de la Mort.

Il achevait à peine de prononcer ces paroles que le bruit de la cloche retentit.

C’était le signal donné par le concierge qu’une visite arrivait.

Presque au même instant la porte du salon s’ouvrit, et le comte de Monte-Cristo parut sur le seuil.

Ce fut un double cri de joie de la part des deux jeunes gens.

— Maximilien, dit le comte sans paraître remarquer les différentes impressions que sa présence produisait sur ses hôtes, je viens vous chercher.

— Me chercher ? dit Morrel comme sortant d’un rêve.

— Oui, dit Monte-Cristo ; n’est-il pas convenu que je vous emmène, et ne vous ai-je pas prévenu de vous tenir prêt ?

— Me voici, dit Maximilien ; j’étais venu leur dire adieu.

— Et où allez-vous, monsieur le comte ? demanda Julie.

— À Marseille d’abord, madame.

— À Marseille ? répétèrent ensemble les deux jeunes gens.

— Oui, et je vous prends votre frère.

— Hélas ! monsieur le comte, dit Julie, rendez-nous le guéri !