Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/231

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Maximilien était appuyé à l’un de ces arbres, et fixait sur les deux tombes des yeux sans regard.

Sa douleur était profonde, presque égarée.

— Maximilien, lui dit le comte, ce n’est point là qu’il faut regarder, c’est là !

Et il lui montra le ciel.

— Les morts sont partout, dit Morrel ; n’est-ce pas ce que vous m’avez dit vous-même quand vous m’avez fait quitter Paris ?

— Maximilien, dit le comte, vous m’avez demandé pendant le voyage à vous arrêter quelques jours à Marseille : est-ce toujours votre désir ?

— Je n’ai plus de désir, comte ; mais il me semble que j’attendrai moins péniblement ici qu’ailleurs.

— Tant mieux, Maximilien, car je vous quitte et j’emporte votre parole, n’est-ce pas ?

— Ah ! je l’oublierai, comte, dit Morrel, je l’oublierai !

— Non ! vous ne l’oublierez pas, parce que vous êtes homme d’honneur avant tout, Morrel, parce que vous avez juré, parce que vous allez jurer encore.

— Oh ! comte, ayez pitié de moi ! Comte, je suis si malheureux !

— J’ai connu un homme plus malheureux que vous, Morrel.

— Impossible.

— Hélas ! dit Monte-Cristo, c’est un des orgueils de notre pauvre humanité, que chaque homme se croie plus malheureux qu’un autre malheureux qui pleure et qui gémit à côté de lui.

— Qu’y a-t-il de plus malheureux que l’homme qui a perdu le seul bien qu’il aimât et désirât au monde ?

— Écoutez, Morrel, dit Monte-Cristo, et fixez un ins-