Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/236

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Maître Pastrini, notre ancienne connaissance, reçut le voyageur sur le seuil de la porte et le chapeau à la main.

Le voyageur descendit, commanda un bon dîner, et s’informa de l’adresse de la maison Thomson et French, qui lui fut indiquée à l’instant même, cette maison étant une des plus connues de Rome.

Elle était située via dei Banchi, près de Saint-Pierre.

À Rome, comme partout, l’arrivée d’une chaise de poste est un événement. Dix jeunes descendants de Marius et des Gracques, pieds nus, les coudes percés, mais le poing sur la hanche et le bras pittoresquement recourbé au-dessus de la tête, regardaient le voyageur, la chaise de poste et les chevaux ; à ces gamins de la ville par excellence s’étaient joints une cinquantaine de badauds des États de Sa Sainteté, de ceux-là qui font des ronds en crachant dans le Tibre du haut du pont Saint-Ange, quand le Tibre a de l’eau.

Or, comme les gamins et les badauds de Rome, plus heureux que ceux de Paris, comprennent toutes les langues, et surtout la langue française, ils entendirent le voyageur demander un appartement, demander à dîner, et demander enfin l’adresse de la maison Thomson et French.

Il en résulta que, lorsque le nouvel arrivant sortit de l’hôtel avec le cicerone de rigueur, un homme se détacha du groupe des curieux, et sans être remarqué du voyageur, sans paraître être remarqué de son guide, marcha à peu de distance de l’étranger, le suivant avec autant d’adresse qu’aurait pu le faire un agent de la police parisienne.

Le Français était si pressé de faire sa visite à la maison Thomson et French qu’il n’avait pas pris le temps d’attendre que les chevaux fussent attelés ; la voiture