Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/252

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contenait, répandaient une odeur qui répugna fort à Danglars.

— Pouah ! fit-il en reculant jusqu’au fond de sa cellule.

À midi, l’homme à l’eau-de-vie fut remplacé par un autre factionnaire. Danglars eut la curiosité de voir son nouveau gardien ; il s’approcha de nouveau de la jointure.

Celui-là était un athlétique bandit, un Goliath aux gros yeux, aux lèvres épaisses, au nez écrasé ; sa chevelure rousse pendait sur ses épaules en mèches tordues comme des couleuvres.

— Oh ! oh ! dit Danglars, celui-ci ressemble plus à un ogre qu’à une créature humaine ; en tout cas, je suis vieux et assez coriace ; gros blanc pas bon à manger.

Comme on le voit, Danglars avait encore l’esprit assez présent pour plaisanter.

Au même instant, comme pour lui donner la preuve qu’il n’était pas un ogre, son gardien s’assit en face de la porte de sa cellule, tira de son bissac du pain noir, des oignons et du fromage, qu’il se mit incontinent à dévorer.

— Le diable m’emporte, dit Danglars en jetant à travers les fentes de sa porte un coup d’œil sur le dîner du bandit : le diable m’emporte si je comprends comment on peut manger de pareilles ordures.

Et il alla s’asseoir sur ses peaux de bouc, qui lui rappelaient l’odeur de l’eau-de-vie de la première sentinelle.

Mais Danglars avait beau faire, et les secrets de la nature sont incompréhensibles, il y a bien de l’éloquence dans certaines invitations matérielles qu’adressent les plus grossières substances aux estomacs à jeun.