Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/284

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sœur ? Il est mon maître et je suis son esclave ; il a le droit de ne rien voir.

Le comte frissonna aux accents de cette voix qui alla éveiller jusqu’aux fibres les plus secrètes de son cœur ; ses yeux rencontrèrent ceux de la jeune fille et ne purent en supporter l’éclat.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! dit Monte-Cristo, ce que vous m’aviez laissé soupçonner serait donc vrai ! Haydée, vous seriez donc heureuse de ne point me quitter ?

— Je suis jeune, répondit-elle doucement, j’aime la vie que tu m’as toujours faite si douce, et je regretterais de mourir.

— Cela veut-il donc dire que si je te quittais, Haydée…

— Je mourrais, mon seigneur, oui !

— Mais tu m’aimes donc ?

— Oh ! Valentine, il demande si je l’aime ! Valentine, dis-lui donc si tu aimes Maximilien !

Le comte sentit sa poitrine s’élargir et son cœur se dilater ; il ouvrit ses bras, Haydée s’y élança en jetant un cri.

— Oh ! oui, je t’aime ! dit-elle, je t’aime comme on aime son père, son frère, son mari ! Je t’aime comme on aime sa vie, comme on aime son Dieu, car tu es pour moi le plus beau, le meilleur et le plus grand des êtres créés !

— Qu’il soit donc fait ainsi que tu le veux, mon ange chéri ! dit le comte ; Dieu, qui m’a suscité contre mes ennemis et qui m’a fait vainqueur, Dieu, je le vois bien, ne veut pas mettre ce repentir au bout de ma victoire ; je voulais me punir, Dieu veut me pardonner. Aime-moi donc, Haydée ! Qui sait ? Ton amour me fera peut-être oublier ce qu’il faut que j’oublie.

— Mais que dis-tu donc là, mon seigneur ? demanda la jeune fille.