Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/31

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duisait à l’appartement de Debray, malgré la certitude que lui avait donnée le concierge que le jeune homme n’était point chez lui, Debray s’occupait à repousser les insinuations d’un ami qui essayait de lui prouver qu’après l’éclat terrible qui venait d’avoir lieu, il était de son devoir d’ami de la maison d’épouser mademoiselle Eugénie Danglars et ses deux millions.

Debray se défendait en homme qui ne demande pas mieux que d’être vaincu ; car souvent cette idée s’était présentée d’elle-même à son esprit ; puis, comme il connaissait Eugénie, son caractère indépendant et altier, il reprenait de temps en temps une attitude complètement défensive, disant que cette union était impossible, de toute impossibilité, en se laissant toutefois sourdement chatouiller par l’idée mauvaise qui, au dire de tous les moralistes, préoccupe incessamment l’homme le plus probe et le plus pur, veillant au fond de son âme comme Satan veille derrière la croix. Le thé, le jeu, la conversation, intéressante, comme on le voit, puisqu’on y discutait de si graves intérêts, durèrent jusqu’à une heure du matin.

Pendant ce temps, madame Danglars, introduite par le valet de chambre de Lucien, attendait, voilée et palpitante, dans le petit salon vert entre deux corbeilles de fleurs qu’elle-même avait envoyées le matin, et que Debray, il faut le dire, avait lui-même rangées, étagées, émondées avec un soin qui fit pardonner son absence à la pauvre femme.

À onze heures quarante minutes, madame Danglars, lassée d’attendre inutilement, remonta en fiacre et se fit reconduire chez elle.

Les femmes d’un certain monde ont cela de commun avec les grisettes en bonne fortune, qu’elles ne rentrent