Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/33

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dans son époux et dans son fils, d’un malheur aussi grand.

— Eugénie, se dit-elle, est perdue, et nous aussi. L’affaire, telle qu’elle va être présentée, nous couvre d’opprobre ; car dans une société comme la nôtre, certains ridicules sont des plaies vives, saignantes, incurables.

Quel bonheur, murmura-t-elle, que Dieu ait fait à Eugénie ce caractère étrange qui m’a si souvent fait trembler !

Et son regard reconnaissant se leva vers le ciel, dont la mystérieuse providence dispose tout à l’avance selon les événements qui doivent arriver, et d’un défaut, d’un vice même, fait quelquefois un bonheur.

Puis, sa pensée franchit l’espace, comme fait, en étendant ses ailes, l’oiseau d’un abîme, et s’arrêta sur Cavalcanti.

Cet Andrea était un misérable, un voleur, un assassin ; et cependant cet Andrea possédait des façons qui indiquaient une demi-éducation, sinon une éducation complète ; cet Andrea s’était présenté dans le monde avec l’apparence d’une grande fortune, avec l’appui de noms honorables.

Comment voir clair dans ce dédale ? À qui s’adresser pour sortir de cette position cruelle ?

Debray, à qui elle avait couru avec le premier élan de la femme qui cherche un secours dans l’homme qu’elle aime et qui parfois la perd, Debray ne pouvait que lui donner un conseil ; c’était à quelque autre plus puissant que lui qu’elle devait s’adresser.

La baronne pensa alors à M. de Villefort.

C’était M. de Villefort qui avait voulu faire arrêter Cavalcanti ; c’était M. de Villefort qui sans pitié avait