Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/80

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— Oui, fit résolument Noirtier.

Morrel laissa échapper un mouvement d’horreur et d’incrédulité.

— Oh ! s’écria Villefort, en arrêtant Maximilien par le bras, oh ! monsieur, si mon père, l’homme inflexible que vous connaissez, vous fait cette demande, c’est qu’il sait que Valentine sera terriblement vengée.

N’est-ce pas, mon père ?

Le vieillard fit signe que oui.

Villefort continua.

— Il me connaît, lui, et c’est à lui que j’ai engagé ma parole.

Rassurez-vous donc, messieurs ; trois jours, je vous demande trois jours, c’est moins que ne vous demanderait la justice, et dans trois jours la vengeance que j’aurai tirée du meurtre de mon enfant fera frissonner jusqu’au fond de leur cœur les plus indifférents des hommes.

N’est-ce pas, mon père ?

Et en disant ces paroles, il grinçait des dents et secouait la main engourdie du vieillard.

— Tout ce qui est promis sera-t-il tenu, monsieur Noirtier ? demanda Morrel, tandis que d’Avrigny interrogeait du regard.

— Oui, fit Noirtier, avec un regard de sinistre joie.

— Jurez donc, Messieurs, dit Villefort en joignant les mains de d’Avrigny et de Morrel, jurez que vous aurez pitié de l’honneur de ma maison, et que vous me laisserez le soin de le venger ?

D’Avrigny se détourna et murmura un oui bien faible mais Morrel arracha sa main de celles du magistrat, se précipita vers le lit, imprima ses lèvres sur les lèvres glacées de Valentine, et s’enfuit avec le long gémissement d’une âme qui s’engloutit dans le désespoir.