Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/111

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pas, en face de ses espérances déçues, rougir de son humble condition, assez de noblesse de sentiments pour n’accuser ni ceux dont il avait reçu le jour, ni même le sort ; son cœur saignait, il souffrait, mais sans colère, mais sans désespoir.

Avec une fermeté virile bien rare à son âge, aussitôt qu’il eut reconnu sa faute et son erreur, il fit amende honorable de ses présomptueuses espérances ; il se décida à réunir toutes ses forces, tout son courage, pour étouffer dans son germe un amour qui lui paraissait insensé : il se fit serment à lui-même de chasser de sa pensée tout ce qui, en lui, rappelait Madeleine, pensant qu’il tuerait ainsi le pouvoir qu’elle avait déjà sur son cœur.

Cette résolution était plus facile à prendre qu’à exécuter. Marius cherchait des distractions qui effaçassent la charmante image déjà gravée dans sa pensée ; il n’en trouvait pas.

C’était en vain qu’il voulait admirer la mer, qu’il apercevait à l’extrémité de cette promenade sans pareille que l’on nomme le Prado, calme et étincelante sous les feux d’un beau soleil d’automne ; c’était en vain qu’il évoquait le souvenir de Millette qu’il se répétait que la pauvre femme avait besoin de toute la tendresse de son enfant, en vain qu’il cherchait à s’étourdir par des impressions plus positives en concentrant son attention sur le mouvement de piétons,