Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/134

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pour contrecarrer ou observer ses actions ; la journée du dimanche appartenait à ses amours.

L’indifférence que nous avons signalée cessait aussitôt que le jeune homme était certain que Madeleine ne pouvait plus l’apercevoir. Il prenait possession de l’observatoire abandonné de M. Coumbes, et il passait de longues heures à observer la jolie voisine ; il la regardait amoureusement, caché derrière le store, aller et venir dans son jardin, donner de l’eau à ses plantes, débarrasser ses rosiers de leurs fleurs fanées ; il admirait sa beauté, sa grâce, sa simplicité ; et ces mérites qui, depuis six mois, étaient le texte ordinaire de l’hymne à l’amour que chantait son cœur, il lui semblait toujours qu’il les remarquait pour la première fois.

Si Madeleine sortait pour s’aller promener dans le voisinage, Marius attendait qu’elle eût tourné le mur de la grande ferme située un peu plus loin que le cabanon ; alors il s’esquivait et se mettait à la suivre ; il marchait derrière elle avec la précaution d’un guérillero qui avance dans la montagne, se jetant à plat ventre lorsque par hasard elle se retournait, se dissimulant dans les anfractuosités des rochers lorsqu’un détour pouvait la lui faire rencontrer, se faisant un abri des sapins, des oliviers rabougris de la colline. Quand la jeune fille s’arrêtait, son regard ne la quittait pas ; il suivait avec avidité tous ses mouvements,