Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/255

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de la raison. Rappelez-vous que nous ne sommes plus au temps fabuleux des Romains ; que tout est modeste dans notre société actuelle ; que la vertu, pour y être honorée et comprise, ne doit rien exagérer, pas même la grandeur d’âme ; que ce jeune homme ne fût-il pas coupable, ce que les débats prouveront, vous devez l’oublier. Les crimes de son père ne sont pas les siens, c’est vrai ; il n’est pas responsable du hasard qui l’a jeté dans un berceau plutôt que dans un autre, c’est encore vrai ; ce crime originel est injuste, est absurde, je vous le concède, mais enfin le monde a ses lois ; il faut se courber devant elles, si l’on ne veut pas être brisé sous leurs mains de fer. Et maintenant, pardonnez cette homélie dont mes cheveux blancs et ma qualité de père de famille justifient l’opportunité.

Madeleine avait écouté le magistrat sans essayer de l’interrompre ; à mesure qu’il parlait, les sanglots de la jeune fille diminuaient de violence ; lorsqu’il eut fini, elle releva son front noble et fier.

– Je vous remercie, monsieur, lui dit-elle, de la bienveillante sympathie dont vous voulez bien me donner le témoignage. Je compte que vous me la conserverez, parce que plus vous me connaîtrez, plus vous m’en trouverez digne. Je suis certaine que, si vous me condamnez avec le monde, votre cœur du moins m’absoudra.