Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/265

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un regard sur les sombres murs qui renfermaient ce qu’elle avait de plus cher en ce monde.

Elle erra longtemps dans le dédale des rues du vieux Marseille ; elle parcourut ainsi toute la presqu’île qui s’étend entre le port vieux et l’emplacement où l’on a construit aujourd’hui les nouveaux bassins. Elle ne cherchait ni gîte ni abri ; elle marchait pour user les heures qui la séparaient de ce lendemain tant souhaité où elle ne doutait pas qu’elle ne vît réaliser ses espérances. Au moment où, après avoir tourné la vieille halle, elle allait entrer dans une des ruelles qui l’entourent, un homme à l’allure inquiète et sombre passa à ses côtés.

La vue de cet homme produisit sur Millette un effet extraordinaire. Sa physionomie perdit tout à coup le caractère d’égarement mélancolique dont elle portait l’empreinte depuis le malheur de la veille ; son visage s’anima ; ses yeux brillèrent dans l’ombre, et, en même temps, son corps resta agité par un tremblement convulsif. Elle hâta le pas de façon à devancer cet homme. Lorsque tous deux passèrent sous un réverbère, Millette se retourna brusquement et se trouva face à face avec ce promeneur attardé.

– Pierre Manas ! s’écria-t-elle en le saisissant par le poignet.

Bien que la ruelle fût complètement déserte, la conscience de Pierre Manas n’était point assez tranquille